Livre ouvert vocabulaire théâtre typographie

Parmi les réactions casse-couilles liées au métier de comédien, hormis le fameux « Oh t’es comédien ! Vas-y joue moi un truc ! », il y a aussi son voisin tout aussi relou du « Oh bah tiens, toi qu’es comédien, tu dois bien savoir ça ! ». Mais comédien ne veut pas dire science infuse, et ce n’est pas parce qu’un critique mort il y a plus de 400 ans a écrit tel truc que nous sommes obligé de le savoir. Toutefois, il est toujours bon d’avoir un peu de culture, et les quelques notions énoncées par la suite devraient vous permettre de vous extirper de ces situations incommodantes tout en impressionnant votre belle-mère.

 

Acte & Scènes

Division principale d’une pièce de théâtre en parties d’importance sensiblement égale, et suivant le déroulement de l’action, du lieu, ou des personnages. Classiquement, une pièce était composée de cinq actes suite à un précepte d’Horace énoncé dans son Art Poétique : « Que votre fable entière, en cinq temps partagée, ne se montre jamais plus ou moins prolongée. » De plus, la longueur d’un acte dépendait de la durée de vie des bougies qui éclairaient la scène (environ vingt minutes, placées à la rampe d’où l’expression moderne « être sous les feux de la rampe »).

Chaque acte est divisé en scènes, elles-mêmes traditionnellement délimitées par l’entrée ou la sortie d’un personnage. En conséquence, il était coutume pour un dramaturge classique de construire le début ou la fin d’une scène par un personnage annonçant son entrée/sortie, ou celle d’un tiers. Aujourd’hui la construction d’une pièce par actes ou scènes tend à diminuer voir à disparaître.

 

Convention théâtrale

Sorte d’accord implicite entre les spectateurs et les artistes selon lequel le spectacle s’inscrit dans des normes connues et acceptées. Le public accepte de considérer un élément dramatique irréaliste (ou invraisemblable) comme tout à fait normal (par exemple, le fait que deux personnes proches sur scène ne soient pas forcément au même endroit). Cette convention est l’ensemble des présupposés idéologiques et esthétiques, explicites ou non, qui permettent au public de recevoir correctement la pièce.

 

Dilemme cornélien

Expression courante signifiant une décision difficile à prendre entre deux parties. L’expression tire sa source du Cid de Corneille, ou notre personnage éponyme se trouve en face d’un choix impossible : Rodrigue dit Le Cid doit épouser Chimène, mais le père de cette-dernière a fait des sales crasses au papa de Rodrigue. Soit le Cid venge l’honneur de son père et tue le père de Chimène, soit il refuse la vengeance, épouse Chimène, mais devra porter la marque de sa lâcheté toute sa vie. Initialement un dilemme cornélien imposait plus un choix entre le devoir ou l’amour (comme par exemple Titus qui doit choisir entre Rome ou Bérénice), mais l’usage familier a ouvert son sens à tout dilemme difficile.

 

Entracte

Intervalle inventé pour rentabiliser les petits cafés des théâtres où vous pouvez acheter votre sandwich à sept euros entre deux actes d’une pièce.

En moyenne, un entracte dure entre 10 à 20 minutes. Chez les grecs l’entracte n’existait pas et le « temps de repos » du spectateur convenait plus à la fonction du chœur. C’est à partir du théâtre romain que l’on découpe le spectacle en plusieurs parties remplies par de la musique, des pitres et des mimes. Puis au siècle des Lumières, l’entracte devient nécessaire pour remplacer les bougies consumées, et l’on s’essaya à remplir l’attente du spectateur par des actions dansées ou chantées sensées prolonger l’action. L’entracte reste aujourd’hui un moyen de signifier une ellipse et/ou de soustraire à la vue du public les changements de décor.

 

Happening

L’origine du terme Happening vient de la peinture. Art défini par l’action, le Happening est apparu en réaction au mouvement Expressionnisme. Il est utilisé pour la première fois par Allan Kaprow (peintre et metteur en scène américain) : « un Happening est un environnement exalté, dans lequel le mouvement et l’activité sont intensifiés pendant un temps limité et où, en règle générale, des gens s’assemblent à un moment donné pour une action dramatique ». A. Kapprow – cité par Nicole Boulestreau, dans « Quelques séismes temporels : Fluxus et Land artX » (2003).

Proche de la performance, le Happening abat le quatrième mur et existe uniquement par la participation active du spectateur. Ce-dernier apporte un élément de hasard, et la participation du public devient nécessaire au spectacle qui cherche à provoquer une création artistique le plus souvent spontanée et collective. Au théâtre on parlera donc d’Happening à chaque fois que le spectacle suppose aux spectateurs de devenir « actif » (par exemple, sortir du théâtre, monter sur scène, se lever à la demande d’un acteur, etc.)

 

Marivaudage

Dramaturge classique et auteur de L’Ile aux Esclaves ou d’Arlequin Poli par l’amour, Marivaux a donné naissance (de son vivant) au verbe « marivauder » qui signifie « échanger des propos galants et raffinés » ; et par extension fut créé le mot « marivaudage ».

Pendant un temps, ce terme désignait le style de Marivaux jugé par la critique comme trop recherché, bizarre ou obscur (on l’accusait de ne pas parler « le français ordinaire » ; par exemple, c’est à lui que l’on doit l’expression « tomber amoureux » jugée sans doute étrange par ses contemporains, puisque l’usage était de dire « se rendre amoureux »). Aujourd’hui, le « marivaudage » est dépossédé de son ancien usage et porte une signification plus large : il désigne un échange amoureux sur le ton de la galanterie et du badinage gracieux et enjoué.

 

Metteur en scène

Individu qui selon sa pédagogie et ses méthodes enchante ou détruit l’humeur de ses équipes artistiques et techniques. Il porte un texte ou un projet sur scène habituellement de pair avec une vision artistique et/ou politique. Le métier du metteur en scène évolue dans le temps, notamment dans son approche vis-à-vis de l’auteur ou du travail de répétition, jusqu’à la limite de son propre rôle. Meyerhold disait par exemple qu’un metteur en scène « doit être à la fois auteur, acteur, décorateur, musicien, électricien et costumier ».

 

Quatrième mur

Énoncé pour la première fois par Diderot dans son ouvrage Discours sur la poésie dramatique (1758), le quatrième mur est l’existence fictive d’un mur bâti entre la scène et la salle pour donner un effet de réel. Ainsi, l’on joue « quotidien » sans chercher la relation avec un public qui de toutes façons n’existe pas.

Le public est donc voyeur et l’on « brise le quatrième mur » lors d’aparté ou d’adresse au public. Cette notion a connu son heure de gloire durant l’avènement du théâtre réaliste et naturaliste pour décroître par la suite. De nos jours, dus aux rapports contemporains entre la scène et le public, l’existence du quatrième mur est très réduite.

 

Règle de la bienséance, d’unités et de vraisemblance

Ensemble de règles ayant profondément marquées la création littéraire sous la période classique. La bienséance s’accorde sur la morale et les bonnes mœurs (pas de vulgarité, de sexe ou de mort représentés sur scène). Les règles d’unités (temps, lieu, action) imposent aux tragédies de se construire autour d’une seule intrigue, dans un seul et même lieu, et en une seule et unique journée. « Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli ». (Nicolas Boileau, Art Poétique, III, vers 44-46, 1674). Et la vraisemblance est la raison pour laquelle il aura fallu attendre Shakespeare pour avoir des sorcières, des fantômes, ou des esprits sur scène.

 

Benjamin Profil édito BouletCorp

ÉCRIT PAR : Benjamin

Double parcours en communication et théâtre, je passe mon temps à étudier et à produire des contenus pour Parlons Théâtre. On peut se croiser à la bibliothèque, au théâtre, ou autour d’un verre.

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