Note : Au départ il n’était pas forcément prévu de séparer cet article en deux parties, mais à force d’écrire des romans entiers pour chaque définition, j’ai préféré faire une première partie sur le langage courant, et une seconde partie sur le vocabulaire issu du théâtre.
Maîtriser le vocabulaire théâtral n’est pas très difficile. J’ai même forcé un peu le trait pour rajouter plusieurs termes génériques, alors qu’une dizaine aurait été suffisante. Par ailleurs, férus d’histoire ou d’anecdotes, l’usage de notre lexique théâtral est si ancien que pratiquement chaque mot porte une signification cachée (comme par exemple, la raison derrière la norme des cinq actes de l’ère classique – mais ça c’est dans l’autre article –). Et si en pratique, à moins d’être interviewé chez France Culture, ce savoir est relativement inutile, maîtriser l’adage théâtral facilite et harmonise les méthodes de travail.
Adresse
Acte de parler, de s’adresser à quelqu’un. On distingue quatre types d’adresse : l’adresse à soi-même, l’adresse à l’autre, l’adresse au public et l’adresse à Dieu (au sens générique). Ce terme peut souvent être rabâché par un pédagogue à son élève : « L’adresse n’est pas claire ». « Ça manque de précision tout ça, on ne sait pas à qui tu t’adresses ». « Non mais Charles, pourquoi diable tu t’adresses au public à ce moment-là ? ».
Côté Cour & Côté Jardin
Depuis la salle en face de la scène, le jardin est à gauche et la cour est à droite. Deux moyens mnémotechniques pour s’en rappeler sont de penser à Jules César (ou Jésus-Christ) ce qui donnera l’ordre des deux termes ; ou sur le plateau, cette fois-ci face à la salle, la cour est du côté du cœur, toujours à gauche. Ces deux termes facilitent les déplacements des acteurs et évitent des situations comme « Hey, vas-y mets-toi un peu plus à gauche ! Attends, tu parles de ma gauche ou de la tienne ? ».
L’usage du « côté cour – côté jardin » provient d’une habitude prise à la Comédie-Française, à l’époque où, à partir de 1770, la troupe était installée dans la Salle des Machines du palais des Tuileries. La salle donnait d’un côté sur la cour du Louvre, et de l’autre sur le jardin des Tuileries. Auparavant le côté cour se référait comme « le côté de la reine » et le jardin comme le « côté du roi », dû à l’emplacement de leurs loges respectives ; mais cette désignation fut abandonnée au profit de la nouvelle expression suite à la Révolution française.
Chœur & Coryphée
Initialement très important dans le théâtre grec, le rôle du chœur décroit drastiquement avec le temps. Sa fonction antique de présenter le contexte, de résumer les situations ou de donner l’exemple d’une réaction à suivre pour le spectateur n’existe plus. Toutefois, on se refera à un chœur pour parler d’un groupe dansant, chantant ou parlant ensemble. Le coryphée, lui est le chef du chœur dans le théâtre antique. Aujourd’hui, on le qualifierait plus de « leader ».
Didascalie
D’origine grecque signifiant « enseignement, instruction », le terme désigne les indications écrites en italique par le dramaturge (l’auteur d’une pièce de théâtre) concernant soit les déplacements, ou les gestes, mimiques, costumes d’un personnage, et le ton d’une réplique. La liste des personnages au début de la pièce, les indications d’actes et de scènes, le nom des personnages devant chaque réplique, font également partie des didascalies.
Toujours en usage, il n’est cependant pas rare de tomber sur des pièces de théâtre sans aucune indications. La première apparition d’une didascalie au sein d’un texte est constatée depuis 1150/1570 avec le manuscrit « Le Jeu d’Adam », qui est également le premier exemple de texte dramatique en Français.
Dramaturgie
Faire de la dramaturgie, c’est rechercher, étudier, tous les axes possibles autour d’une œuvre (conditions de création, types de traduction, situation dans l’époque, influences, différentes mises en scènes…). Souvent un metteur en scène ou une compagnie peut s’aider d’un conseiller dramaturgique pour se documenter sur une pièce. Par extension, on parle aussi de dramaturgie lors de séances de « travail à la table ». La lecture de la pièce, l’étude du sous-texte et la recherche du sens appartiennent aussi à la dramaturgie.
Emploi
Se dit lorsque l’on classifie un acteur en fonction d’un certain type de rôle. L’emploi relie l’acteur selon des critères (physique, sociaux, politiques…), et l’on parle aussi « d’affinités » avec un certain type de registre. D’une part, l’emploi est logique (par exemple un vieillard ne va pas jouer une jeune princesse), notre corps et notre visage racontent déjà quelque chose. À ceci s’ajoutent nos propres sensibilités (par exemple un potentiel comique ou tragique). D’autre part, il est bon pour un comédien de se « méfier » de son emploi, d’être capable d’en sortir, et d’aller là où personne ne vous attend.
Initialement l’emploi était un système de classification pour distribuer les rôles, mais cet usage n’a pas perduré. Toutefois un auteur dramatique peut écrire sa pièce en fonction d’un comédien ou d’une troupe. Par exemple, c’est le cas de Molière qui composait ses pièces en fonction des acteurs dont il disposait. (Beaucoup de ses comédies sont construites sur le même modèle.)
Filage, Couturière, Générale, Première
Venant habituellement vers les dernières répétitions, « faire un filage » c’est répéter en conditions réelles mais sans le public. Utile pour calculer le temps nécessaire à un spectacle, il sert aussi à régler les transitions. La Couturière correspond à l’avant-dernière répétition avant la première, la Générale correspond à la dernière, et la Première correspond… à la première représentation.
À l’origine, l’avant-dernière répétition était le dernier moment pour les couturières de vérifier les détails des costumes et de faire les retouches nécessaires, puis par métonymie le nom est resté. Enfin, dépendamment du théâtre, de la troupe et des moyens de production, il n’est pas rare d’avoir un petit public composé d’invités ou de la presse lors d’une générale.
Italienne & Allemande
Faire une italienne, c’est répéter uniquement son texte sans le jouer. Très utile pour mémoriser son texte, quelques variations existent selon les méthodes des comédiens, mais généralement une italienne se fait de façon rapide, neutre et sans nécessité de ton. Faire une Allemande, c’est faire une Italienne (toutefois les dialogues peuvent être tronqués) au plateau et avec les déplacements.
La Face et le Lointain
Plusieurs termes (dont la cour et le jardin) sont utiles pour se repérer sur l’espace scénique : la face se réfère à l’avant-scène et l’on demandera à quelqu’un de « descendre à la face » ; le lointain se réfère au fond de scène, ou cette fois-ci on « monte au lointain ». (#InstantCulture : le plateau était incliné dans les théâtres à l’italienne. Il y avait plus d’un mètre de différence – soit environ une inclinaison de 4% – entre l’avant et l’arrière de la scène pour permettre une plus grande profondeur et une meilleure visibilité). Enfin tout ce qui est extérieur à la scène constitue le « hors-scène ». Logique, non ?
Réplique, Aparté, Tirade, Monologue
On « donne la réplique » lorsqu’on s’adresse un autre personnage ; chaque dialogue est donc une succession de réplique. On fait un aparté dès l’instant où un personnage s’adresse à lui-même ou au public ; seul le spectateur est censé l’entendre. Si lors d’un dialogue, un des personnages prononce une longue phrase sans se faire interrompre (comme un discours par exemple), c’est une tirade. Mais si le personnage est seul en scène, alors c’est un monologue.
Tableaux
Division d’une pièce, qui contrairement aux actes et scènes, n’est pas formelle. C’est également une dénomination souvent utilisée par la critique, qui parlera de tableaux pour décrire un moment précis de la pièce, souvent reconnu pour son esthétisme. « Moui, il y a de jolis tableaux » ou « La scéno est pas mal » sont le genre de phrases typiques à ressortir pour complimenter la mise en scène.
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